En Macédoine, l’élevage est majoritairement présent en altitude, représenté par les petits ruminants, pour lesquels le mouton prédomine largement sur la chèvre. En effet, la République de Macédoine est le pays des Balkans qui possède le plus petit cheptel de chèvres rapporté au nombre total de petits ruminants (plus de moutons que de chèvres). Cette particularité est la résultante d’une politique régionale stricte, qui a profondément influencé la structure de l’élevage Macédonien. En 1947, dans un souci affiché de protéger les paysages de la République Socialiste de Macédoine, le gouvernement de Tito a déclaré l’interdiction d’élever des chèvres dans cette région. A l’époque, plus de 500 000 chèvres (chèvre des Balkans) parcouraient la petite République de Macédoine et étaient accusées de détruire les sols fragiles et de participer à la déforestation. Alors, pour endiguer le processus d’érosion induit par les troupeaux de chèvres, une loi d’interdiction de l’élevage caprin est apparue et fut renforcée par l’abattage de l’ensemble des troupeaux existants en République de Macédoine. Le résultat ne se fit pas attendre. En deux ans, le cheptel caprin est alors passé de 500 000 à 47 000 têtes. L’interdiction ne fut levée qu’en 1989 et bien que la chèvre s’installe de nouveau dans le paysage Macédonien (200 000 chèvres environ aujourd’hui), son absence pendant plus de quarante ans a laissé la part belle aux moutons (2,3 millions) qui s’alimentent, en été, dans les hautes montagnes du pays.
Ctojadin habite le petit village de Konyouh, au Nord-Est de la République de Macédoine. Il élève une quinzaine de chèvres de race Alpine ou croisées. Il vend les chevreaux pour la viande.
Au Nord-Ouest de la Macédoine, 73 000 hectares de massif montagneux (la Bistra), de forêts et de lacs constituent le Parc National de Mavrovo, créé en 1948. Le parc abrite une faune sauvage variée (ours, loups, lynx des Balkans) et une flore riche (on y récolte du genévrier pour faire du gin !!). Dans un décor à couper le souffle, de grands troupeaux de moutons de race locale « Sharplaninska » gravissent les hautes montagnes du parc en été. Dans cette région, l’hiver est hostile. L’élevage est par conséquent semi-nomade et se découpe en deux grandes périodes. De mai à octobre, les moutons vivent du pâturage sur de grandes étendues montagneuses. A l’automne, les troupeaux rejoignent la vallée où le climat est plus doux, parfois jusqu’à l’extrémité Sud du pays, près de Thessalonique (Grèce). Les éleveurs ici ont donc un rythme de vie bien particulier, puisqu’ils quittent leurs familles pendant cinq mois pour s’isoler - avec leurs moutons - dans les massifs montagneux du parc. Dans cet environnement, éloignés de tout et de tous, seule l’électricité apportée par quelques panneaux solaires relie les éleveurs à la « civilisation ». Ce mode de vie, les éleveurs du Parc de Mavrovo le tiennent d’une ancienne tribu nomade, les Mijaks, qui s’étaient installés dans la région au cours des 5ème et 6ème siècles.
En plein mois de juin, pour se rendre chez les éleveurs de moutons dans le Parc de Mavrovo, il est presque impossible d’envisager l’utilisation d’un véhicule à moteur. Bien souvent, un étroit chemin de terre grimpe à plus de mille mètres d’altitude jusqu’à la ferme, logée entre les pics montagneux, à l’abri du vent. C’est donc sur le dos de chevaux Macédoniens que nous sommes partis à la rencontre des bergers du Parc !
Le caractère exceptionnel de cette visite, on le doit à Vasco et David, respectivement propriétaire et guide pour le Sherpa Horse Riding Macedonia à Galitchnik, en plein cœur du Parc. Deux petits chevaux avertis, aux pieds solides, nous ont grimpé à 1600 mètres d’altitude jusqu’à atteindre une petite maison entourée de parcs clôturés.
C’est autour d’un verre de « petit lait » que Zirap et Abdiji nous ont accueilli dans leur « résidence d’été ». Zirap et Abdiji vivent avec deux autres éleveurs et mille moutons le temps de l’été. Quatre éleveurs donc, possédant chacun entre 200 et 300 moutons, se rassemblent ici la moitié de l’année pour élever ensemble leurs animaux. Des symboles inscrits sur le dos des moutons identifient leur appartenance, afin que chaque propriétaire reprenne la route qui mène à la vallée à l’automne avec son cheptel.
Brebis marquées. Sur la première, est inscrit le symbole "M" (à gauche). La seconde (à droite) possède trois étoiles sur le dos.
Pendant leurs cinq mois de vie en autarcie dans le Parc, les quatre associés partagent ensemble la garde du troupeau, la traite des brebis – à la main – et la fabrication des fromages. Chez Zirap et Abdiji, on fabrique essentiellement du fromage « blanc » (une forme de Feta), conservé avec du sel dans des petits contenants métalliques pendant deux mois. Ce fromage doux, à la texture grasse et fondante, est prisé par les locaux et vendu directement aux habitants et restaurants de la région.
Photos: 1. Zirap dans les loges pour la traite des brebis 2. Sas d'entrée des brebis 3. Caillé du lait sous presse 4. Fromage salé et stocké dans le contenant métallique 5. Salle d'affinage.
Les terres exploitées par les éleveurs dans le Parc sont la propriété de l’Etat. Ici, les notions de « propriété » et de « surface exploitée » sont inconnues. Les animaux évoluent sur des étendues d’herbe organisées autour des sources d’eau et délimitées par des petits murets de pierre érigés autour des sommets montagneux. Le partage du travail entre éleveurs en été est un mode d’organisation propre à la région. Souvent, ce sont même des employés qui tiennent de grands troupeaux de plusieurs milliers de têtes, chacun spécialisés dans les tâches d’élevage ou de fabrication du fromage. L’élevage des moutons dans le Parc et les conditions de vie particulières associées sont aujourd’hui en danger d’extinction. La main d’œuvre est introuvable dans le pays et seuls les Albanais et les Kosovars répondent encore présents pour participer à ce travail difficile. Pour David, notre guide, il est évident que pour sauver l’élevage dans la région, il faudra moderniser l’activité. Quand on parle de modernité, on parle bien-sûr de ce qui, pour nous, est un indispensable depuis longtemps : l’électricité, le chauffage, des infrastructures d'élevage et de vie décentes et l’opportunité pour les éleveurs de construire une vie de famille en altitude.
Pièce de vie des éleveurs
Le saviez-vous ?
Capri, c’est fini !
L’élevage de chèvres en Macédoine a entamé sa reconstruction à partir de 1989, lorsque l’interdiction du gouvernement de Tito fut abolie. Aujourd’hui, la chèvre des Balkans (race autochtone) représente la majorité du cheptel caprin Macédonien, vivant principalement à l’Est et au Sud-Est du pays. La chèvre des Balkans est menacée d’extinction car il n’existe pas de contrôle de la sélection pour le maintien de la race et elle fait l’objet de croisements variés avec des races étrangères (Saanen, Alpine).
Montagne interdite aux mineurs
Les agnelages se déroulent en fin d’hiver et au début du printemps, lorsque les animaux logent encore dans la vallée. Les agneaux sont vendus entre trois et quatre mois d’âge, avant la migration du troupeau dans le Parc. En effet, les agneaux ne peuvent supporter les conditions climatiques rudes de la montagne. Quelques rares agneaux naissent dans le Parc, mais leur espérance de vie est pratiquement nulle.
Spécialités fromagères
Dans la région, on produit le fromage « blanc » (white cheese), le Kashkaval (fromage conservé dans un tonneau en bois, bouilli puis affiné trois mois), et le Kiselo Mleko (un genre de lait fermenté). Tous les fromages produits dans cette région ne sont pas pasteurisés. La réglementation n'autorise pas les producteurs de fromage à commercialiser des produits non-pasteurisés par le biais d'un circuit de distribution (comme les supermarchés). C'est pourquoi la totalité des fromages sont vendus directement "à la ferme" (généralement à des acheteurs locaux).
De gauche à droite :
David (guide pour Sherpa Horse Riding Macedonia), Abdiji, Zirap et Bastien
Comments