La Grèce est un pays connu à travers l’Europe pour sa production d’olives. D’ailleurs, il est difficile de passer à côté de cette information, tant les oliviers sont partout sur le territoire Grec ! On compte 800 000 hectares de terres occupées par les oliviers, soit en moyenne 23% de la surface agricole utile. On compte même dans certaines régions du Péloponnèse, jusqu’à plus de 50% des terres agricoles occupées par les oliveraies. De ce fait l’élevage ne peut que composer avec un territoire colonisé par les oliviers ! Notons que la filière oléicole valorise les coproduits issus de la fabrication d’huile d’olive en alimentation animale.
C’est en Thessalonie, dans le Nord du pays, que se concentre la majorité de l’activité d’élevage en Grèce. L’élevage de brebis et de chèvres prédomine car ces petits ruminants sont les plus adaptés aux sols Grecs, pauvres et secs. Depuis plusieurs années, l’élevage des brebis en Grèce s’est modernisé, par le biais de plusieurs facteurs économiques et politiques : l’entrée dans l’Union Européenne, la création d’une AOP pour la Feta, la crise économique de 2008, le développement de nouvelles technologies telles que l’irrigation, sont autant de facteurs qui ont fait évoluer les pratiques d’élevage en Grèce. Alors que les éleveurs de brebis en Grèce pratiquaient jusqu’au XXème siècle une activité pastorale en montagne et semi-montagne, les contraintes liées à la vie en montagne (nomadisme, climat, pauvreté des moyens techniques pour l’élevage en altitude…) ont progressivement conduit les éleveurs d’ovins-caprins à développer l’élevage en plaine. Ici, on peut y cultiver les céréales pour alimenter le bétail et profiter d’un confort de vie moderne.
Quelques éleveurs dans le Nord de la Grèce maintiennent l’activité pastorale en région montagneuse. Nikos et son père habitent dans le village de Baltouma, en Epire. Ils possèdent un troupeau de mille brebis de race locale Karamaniko sur l’exploitation familiale, située à 500 mètres d’altitude, en zone semi-montagneuse. Le troupeau gravit les sommets des montagnes de l’Epire à 2000 mètres d’altitude d’avril à novembre, accompagné d’une petite cinquantaine de chèvres et de dix chiens, pour les protéger des prédateurs.
Traditionnellement, les éleveurs de brebis en Epire élevaient leur troupeau en haute montagne à l’été, puis se déplaçaient pour la saison hivernale à quelques soixante, soixante-dix, quatre-vingt kilomètres de là, près de la mer, pour échapper au climat difficile de la montagne. Le grand-père de Nikos fut le premier éleveur à casser la tradition, en restant vivre en montagne l’hiver.
Ioannis, le père de Nikos, préside l’association Ε.Μ.Κ.Η. (Association de protection et de promotion de l’élevage en zone montagneuse en Epire), qui a pour missions de protéger les races indigènes de la région et d’améliorer (par le biais de projets nationaux et européens) la qualité de vie des éleveurs en montagne. L’association projette notamment d’établir une salle de traite mobile pour simplifier la traite des brebis en haute montagne (actuellement, la traite en estive est encore réalisée à la main).
On se rend vite compte que chez Nikos et Ioannis, l’ambition de moderniser l’activité pastorale en Epire, c’est dans le sang. Dans la bergerie familiale, le grand-père avait initié une évolution des pratiques en restant en montagne l’hiver, le père s’était investi dans la conservation du pastoralisme et Nikos, lui, poursuit avec l’acquisition d’installations modernes (investissement dans une salle de traite rotative) pour perpétuer une activité d’élevage traditionnelle, qui n’attire plus les jeunes. Ses projets sont nombreux et il espère développer l’agrotourisme et la vente directe pour promouvoir l’activité pastorale et les produits laitiers de sa région. Aujourd’hui, le lait de la ferme est vendu à une laiterie de la région, mais demain, il aura sa propre fromagerie.
Pour Nikos, conserver l’élevage des brebis et des chèvres dans les hautes montagnes de l’Epire, c’est fondamental pour protéger le territoire : « Aujourd’hui, les bergers cessent l’élevage des brebis en montagne parce que c’est trop contraignant. Ils installent à la place un petit troupeau de bovins pour la viande. Cela leur demande moins de travail, car il n’y a plus à assurer la traite tous les jours à la main, en altitude. Le problème, c’est que les hautes montagnes ne sont pas adaptées pour l’élevage de vaches. Habituellement, on élève les vaches dans la vallée, en bas de la montagne. Les chèvres, elles, investissent les zones semi-montagneuses et les brebis, montent à plus de 2000 mètres d’altitude. Là-haut, les moutons et les chèvres mangent quelques feuilles de chaque plante. Les vaches, elles, arrachent la totalité des plantes et font baisser la diversité des espèces présentes en altitude. »
Nikos et Ioannis ont longuement parlé avec nous du rôle des femmes à la ferme. Le sujet des femmes, c’est un sujet un peu compliqué ici. Commençons par dire qu’à ce jour, Nikos est célibataire. En effet, il est tout aussi difficile de trouver des jeunes éleveurs pour l’élevage en haute montagne que de trouver des partenaires qui acceptent la vie dans cette région. Pourtant, les femmes à la ferme possèdent un rôle extrêmement important. Elles sont un ciment, elles assurent les tâches centrales pour la famille (la cuisine, l’intendance, l’éducation des enfants, le remplacement ponctuel des hommes dans leurs activités d’élevage…) et fédèrent autour d’elles. La maman de Nikos est, à ses yeux et ceux de Ioannis, la patronne de la maison, le personnage central qui assure la cohésion du groupe familial. Nous avons adoré leurs propos et le message d’amour qu’ils nous ont transmis au sujet des femmes à la ferme.
« Ma mère, c’est elle qui a veillé au grain pendant notre enfance, qui nous a poussé à faire des études et je lui dois tout. Sans elle, aujourd’hui je n’aurais pas les bagages pour gérer la ferme comme je le fais [Nikos a fait des études en agronomie], aujourd’hui je ne parlerais pas anglais avec vous… Aujourd’hui, sans ma mère, je ne serais rien ! » Nikos.
Le saviez-vous ?
Ding-Dong !
Pour suivre le troupeau dans la montagne, les éleveurs de la région utilisent deux types de cloches différentes pour les brebis et les chèvres. Les cloches des chèvres sont plus grosses, ce qui produit un son plus grave que les cloches des brebis. Ainsi, les éleveurs peuvent identifier plus facilement leurs animaux !
Prélèvement sélectif
Le loup et l’ours sont les deux principaux prédateurs des brebis en Epire. Mais l’ours, contrairement au loup, ne représente pas une menace pour les éleveurs. L’ours est un prédateur frugal, qui sélectionne un animal à tuer, tandis que le loup peut décimer quarante bêtes en une attaque. L’ours est aussi un prédateur malin, qui n’est généralement pas détecté par les chiens de troupeau. Il est donc un aléa difficile à contrôler pour les éleveurs.
Le compte est bon
La Grèce compte plus de neuf millions de moutons et cinq millions de chèvres. Le lait des brebis et des chèvres est utilisé pour la fabrication (entre autres) de la populaire Feta. En règle générale, on utilise 70% de lait de brebis et 30% de lait de chèvre pour fabriquer la Feta.
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