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Pag : l'île 100% bêêê

Pag, c’est l’histoire d’une île croate balayée par les vents, avec une forte prédominance de cailloux blancs. A y regarder de plus près, la roche calcaire laisse un peu de place aux herbes pour pousser timidement. La Bora (le vent) et le sel imposent une rude sélection de la flore : seules certaines plantes, telles que la sauge, l’immortelle, l’épine de Jérusalem ou le fenouil réussissent à pousser sur l’île. L’homme s’est adapté à l’environnement inhospitalier de l’île, en particulier à la Bora. Il y a installé quelques kilomètres de marais salants, approvisionnés par le vent et la mer. Il y a aussi installé le mouton, seule espèce capable d’utiliser la verdure de l’île. Retournant les cailloux, les moutons optimisent leurs repas à la recherche des ressources cachées. Pag, c’est l’histoire d’une île qui a su maintenir une tradition d’élevage datant de presque 3 000 ans. Elle est reconnue pour son fromage de brebis (Paški Sir) fabriqué sur l’île.



A Pag, c’est comme si le temps s’était arrêté. Ici, pas de gros élevages, pas d’entreprises. Les éleveurs possèdent des petites bergeries où l’on trait majoritairement à la main. Les parcelles sont généralement délimitées par des murs de pierres sèches, derrière lesquels les moutons s’abritent lorsque la Bora souffle fort. L’élevage moyen compte 50 brebis et le lait est collecté par les fromageries de l’île (seule évolution moderne pour la production du fromage de Pag). Quelques rares éleveurs produisent et vendent encore eux-mêmes leurs tomes.



Nous avons découvert l’élevage de brebis laitières sur l’île avec Tonci. Installé depuis 20 ans à la reprise des terres de ses parents, Tonci élève aujourd’hui 30 brebis laitières et deux béliers de race « mouton de Pag » (branche issue de la race Dalmate). Avec en moyenne 1 litre de lait par brebis et par jour en période de lactation, vendu aux alentours de 2€ à la fromagerie voisine (fromagerie Gligora, Kolan), Tonci possède un petit élevage traditionnel qui lui apporte un revenu largement satisfaisant pour vivre. Les brebis évoluent sur un parcours de 30 hectares de terres rocailleuses et produisent un lait de qualité optimale au printemps, avec la pousse de l’herbe et des plantes. Les brebis sont complémentées en luzerne et en céréales l’hiver, lorsque les ressources naturelles de l’île sont au plus bas. Les brebis donnent naissance en janvier à un agneau. Tandis que quelques jeunes brebis sont conservées pour le renouvellement du troupeau, l’ensemble des agneaux est vendu pour la viande (l’agneau à la broche étant la seconde spécialité de l’île).





Nous avons assisté à la traite du soir. La traite, c’est un peu comme une représentation de danse. Alors que Tonci avance au milieu des brebis avec son seau et son tabouret, chacune d’entre elles connaît la chorégraphie par cœur : trois pas en avant, demi-tour, un petit pas en arrière. La traite peut commencer !







Comme c’est le cas pour beaucoup d’élevages de brebis laitières (comme chez José-Mari et Marion en Pays-Basque espagnol), la laine des moutons de Pag n’est pas valorisée. Elle constitue une ressource inutilisée sur l’île et jetée dans l’environnement.


L’élevage des moutons a façonné l’île de Pag. En chiffres, l’île de Pag, c’est 30 000 moutons pour un peu plus de 8 000 habitants et 220 tonnes de fromage de Pag fabriquées chaque année. L’élevage constitue, avec le tourisme, la principale activité économique de l’île. Elevage et tourisme peuvent-ils cohabiter durablement sur l’île de Pag ? L’expansion des zones touristiques en Croatie pourrait un jour concurrencer l’activité agricole de l’île, en absorbant les terres allouées aux animaux. Mais pas seulement. La Croatie est un pays avec une culture du travail différente de chez nous. Ici, la majorité de la population travaille jusqu’à 15 heures (tradition issue du passé Yougoslave) et le tourisme est une source de revenus facile, principalement sur la côte. Comme beaucoup de croates le disent : « Un jeune qui veut gagner de l’argent sans trop travailler, il achète deux appartements et les loue 6 mois de l’année ». Indirectement, le tourisme contribue à freiner la reprise des exploitations agricoles comme celle de Tonci en Croatie, où les astreintes de l’élevage -même pour 30 brebis- freinent les prochaines générations.




Tonci a participé à un reportage sur ARTE dans l’émission « Invitation au voyage », dont vous trouverez le lien ci-dessous. Nous vous recommandons vivement cette petite vidéo pour comprendre l’histoire de l’île de Pag !



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