top of page

No goats, no glory

Dernière mise à jour : 16 août 2021

Lors de notre arrivée en Croatie 🇭🇷, nous avons passé dix jours en région d’Istrie qui regorge de spécialités locales (truffes blanches, vin, poissons, fromages et huile d’olive évidemment).

L’Istrie est une langue de terre entourée par l’Adriatique, à la frontière avec l’Italie et la Slovénie. Sur le drapeau régional, on y retrouve l’emblématique chèvre d’Istrie. Emblématique car on y trouve beaucoup de chèvres ? Pas seulement !


Au sortir de la guerre de Yougoslavie, en 1996, l’auteure Italienne d’origine Croate Nelida Milani écrivait dans un recueil de nouvelles : « La nouvelle frontière tracée, un lieu est choisi pour construire la guérite des douaniers. Les vieux des alentours mettent en garde les constructeurs en leur disant que cet endroit est le lieu de passage des morts qui s’en vont, des exilés qui reviennent et des chèvres qui mettent bas. Nonobstant les recommandations, les douaniers s’installent. Commence alors pour eux une lutte quotidienne. Chaque matin, une chèvre vient faire ses besoins dans et autour de la guérite. Les douaniers, furieux, les tuent les unes après les autres sans jamais parvenir à épuiser le cheptel ». On comprend bien alors, que si l’Istrie est symbolisée par une chèvre, ce n’est pas tant pour ses élevages que pour exprimer le caractère indépendant et capricieux de ses habitants !



C’est avec beaucoup de naïveté que nous avons découvert la ferme d’Aleš, qui possède le plus grand troupeau de chèvres de la région. Lorsque nous avons évoqué le symbole Istrien, Aleš nous a répondu : « La chèvre en Istrie ? C’est sur le drapeau mais il n’y en a pas tant que ça ! L’Istrie aurait certainement préféré la Boškarin* comme symbole de la région !».


Après une carrière d’avocat immobilier pendant 25 ans, ce Slovène d’origine a créé sa ferme Kumparička à partir de rien en 2009, en rachetant quelques bâtiments à l’abandon. Aleš possède 300 chèvres laitières Istriennes élevées en agriculture biologique sur 260 hectares de maquis. Tout le lait produit par ses chèvres est transformé sur la ferme. La grande majorité du lait sert à la production de fromage (frais ou affiné jusqu’à 4 ans) vendu à la ferme, ainsi qu’aux restaurants et dans quelques magasins. Il propose également des dégustations de ses fromages, considérés comme les meilleurs fromages de chèvre de Croatie. Même Gordon Ramsay est venu les déguster ! Le lait est également utilisé pour la fabrication d’autres produits comme le yaourt, la ricotta, et un caramel au lait de chèvre qui vaut le détour ! Aleš nous a confié que le meilleur fromage qu’il ait produit est un fromage qu’il a oublié sous le siège de sa voiture pendant des années…





Pour Aleš, l’agriculture biologique est une philosophie et une pratique facile à mettre en place dans sa ferme. Chez lui, les chèvres sont nourries quasi-exclusivement par le pâturage des plantes du maquis. Il ne relève aucun problème sanitaire sur ses animaux nécessitant l’intervention du vétérinaire (pas de mammite, pas de problèmes à la mise bas…). D’après Aleš, la diversité des plantes présentes dans le maquis d’Istrie (180 espèces, soit 3 fois plus que dans le maquis provençal !) permet à ses chèvres de se soigner elles-mêmes : « Lorsqu’elles ont un problème de santé, les chèvres adaptent leur alimentation, elles changent leur régime et vont manger les plantes dont leur corps à besoin pendant quelques jours ». Un maquis-pharmacie en quelque sorte !




Les chevreaux sont élevés et abattus en Istrie, puis commercialisés pour la viande. Comme en Slovénie, ici on consomme la viande de chevreau (nous y avons même goûté chez Aleš, qui a partagé son repas avec nous ! Au menu : soupe de choux, rôti de chevreau et flageolets, plateau de fromage et vin d’Istrie). La culture est très différente dans les Balkans en comparaison à la France. Tandis que chez nous, le lait de chèvre est le seul produit valorisé nationalement, la consommation de la viande de chèvre dans les Balkans est une voie de valorisation importante et cette tendance est de plus en plus prononcée à mesure que l’on descend vers la Turquie.


Aleš emploie des salariés pour l’élevage et l’atelier de transformation et une personne supplémentaire pour la vente des produits au marché de Pula. Au total, 4 à 6 personnes travaillent sur la ferme selon la saison. Aleš estime ne pas avoir tant de travail que ça (après une après-midi entière passée chez lui à manger de la chèvre et du fromage accompagnés d’un petit vin local, on ne peut qu’acquiescer !). Comme tout Croate qui se respecte, l’un de ses objectifs est de travailler moins : « Je ne comprends pas ces gens qui pensent travail, travail, travail. Ici, ce sont les chèvres qui travaillent ». D’un naturel positif, Aleš ne s’attarde pas sur les points négatifs ou les craintes que pourraient lui procurer son travail : « La vie c’est comme une rivière, c’est mouvant, il faut changer, s’adapter aux contraintes ».



A l’issue de 5 heures de discussions mémorables, nous sommes partis à la rencontre des chèvres d’Aleš, en compagnie de ses quelques dix chiens qui l’accompagnent partout (lorsqu’ils ne protègent pas le troupeau des coyotes) et de Pony, le cochon de compagnie. Pourquoi Pony ? A côtoyer les deux équidés d’Aleš (qui servent à déplacer le troupeau), le cochon se prend pour un cheval…




Le saviez-vous ?


- Boškarin, kesako?

En Istrie, l’organisation AZRRI, établie à Pazin, est responsable de la protection des espèces autochtones de la région. Alesh est en contact étroit avec AZRRI dans le cadre de la protection de la chèvre Istrienne. AZRRI protège également la Boškarin, une espèce bovine d’Istrie, anciennement utilisée pour le travail au champ. Avec la mécanisation agricole, l’espèce était en voie d’extinction. AZRRI développe de nouveaux débouchés pour assurer la protection de l’espèce, en particulier la valorisation de la viande. L’organisation propose des formations aux restaurateurs de la région pour apprendre à cuisiner la viande de Boškarin. A l’aide de ses actions pour la protection de la Boškarin en Istrie, AZZRI estime désormais que l’espèce est sauvée, avec 2000 individus aujourd’hui élevés dans la région.




37 vues0 commentaire

Posts récents

Voir tout
bottom of page