top of page

Le Vercors c'est très vert, mais on y trouve aussi du Bleu!

Au cœur du Parc Naturel Régional du Vercors, entre Drôme et Isère, on peut découvrir un fromage caractéristique de la région : le Bleu du Vercors-Sassenage. Un fromage au lait de vache, confectionné depuis le Moyen-Âge, à l'époque où celui-ci servait de monnaie d'échange pour les paysans afin de payer leurs droits de fermage. Ce fromage a obtenu l'AOC en 1998 puis l'AOP (traduction Européenne de l'AOC Française) en 2001. L'obtention de ce signe de qualité a d'ailleurs participé à sauvegarder la Villarde, la race de vache du plateau qui était en voie d'extinction avant la création de l'AOP, comme de nombreuses races rustiques à faible production de lait. Un petit nombre de producteurs fabriquent le Bleu du Vercors AOP, selon un cahier des charges strict. Le fromage est issu du lait de trois races de vaches : la Villarde, la Montbéliarde et l'Abondance. Les animaux pâturent 180 jours minimum par an et reçoivent en hiver des fourrages locaux, issus de la zone délimitée par l'AOP. Aucun OGM, aucun ensilage n'entre dans l'alimentation des vaches (et l'enrubannage est limité).


La Villarde, race emblématique du Parc Naturel Régional du Vercors


Aujourd'hui l'AOP ne compte que 9 producteurs fermiers et une coopérative laitière (Vercors Lait) qui regroupe environ 30 éleveurs. A Lans-en-Vercors, en Isère, nous avons eu le privilège de rencontrer Pierre, Pauline et Marjolaine, qui produisent du Bleu à Ferme de la Grand'Mèche. Pierre Guillot est le propriétaire de cette ferme familiale. Pierre ne travaille pas seul sur son exploitation. Suite au départ en retraite de son associé il y a quelques années, il a embauché Alexandre, un fromager, pour s'occuper de la transformation du lait. De plus, Pauline (la fille de Pierre) ainsi que Marjolaine (une amie d'école de Pauline) travaillent en apprentissage cette année sur l'élevage, dans le cadre de leur formation de CS. Ce sont elles qui nous ont guidé dans l'élevage et le laboratoire de transformation, et même permis de mettre la main à la pâte durant la fabrication du Bleu !



A la Grand'Mèche, Pierre élève 35 vaches laitières de races Abondance, Montbéliarde et Villarde (la locale de l'étape), les 3 races autorisées pour produire du Bleu du Vercors. La production laitière annuelle se situe autour de 6000 Litres par vache. L'exploitation dispose de 80 hectares de prairies, qui alimentent les vaches en été par le pâturage et en hiver par le foin. Les vaches sortent au pâturage fin avril et ne reviennent à l'étable que vers octobre-novembre (suivant le climat). Le pâturage au fil avant (fil déplacé tous les jours) permet aux animaux d'avoir une herbe toujours fraîche et de bien valoriser la production des prairies. La période de pic de travail se situe au moment de la fenaison, qui s'étale en moyenne sur 3 semaines. En terme de santé des animaux, les seuls problèmes relevés par Pierre sont les boiteries (surtout cette année avec le climat pluvieux et plutôt sur les Montbéliardes) et la fécondité, qui est une cause de réforme. Dans l'ensemble, le troupeau est néanmoins rustique et bien adapté à son territoire.


Pauline et Nougatine, la Villarde du troupeau


Il faut compter environ 40 litres de lait pour produire un Bleu du Vercors standard de 4-4,5 kilos. Le procédé de fabrication du Bleu du Vercors est précis et contraignant, mais largement récompensé à l'obtention du produit final ! L'affinage dure au moins 21 jours et, afin de permettre l'oxygénation et ainsi le développement de la moisissure qui lui donne son nom, le fromage est piqué à l'aiguille au 6ème et au 12ème jour.


De gauche à droite : Photo 1. Tranchage du caillé; Photo 2. Marjolaine brasse le caillé; Photo 3. Moulage et élimination du petit lait; Photo 4. Pauline retourne les fromages dans le moule; Photo 5 et 6. Affinage des fromages.


La ferme de la Grand'Mèche transforme les 3/4 de son lait (en bleu du Vercors mais aussi en Skyr, en Saint Marcellin et tout un tas d'autres fromages dont nous nous sommes régalés! ;) ). La gamme des produits vendus n'a cessé de s'étoffer depuis le début de la transformation à la ferme. L'objectif : valoriser autant que possible le lait produit par les vaches de la ferme et éviter le gaspillage ! Le magasin vend également du vin, du miel, des œufs, du fromage de chèvre et d'autres produits issus de fermes locales.



La transformation a débuté sur la ferme en 2006, tout de suite associé à la vente directe car plus logique et plus rentable pour les éleveurs (par rapport aux marchés notamment). L'exploitation réserve toujours 1/4 de son lait, vendu à la coopérative. Le prix d'achat du lait par la coopérative sur le plateau se situe actuellement autour de 400€/1000L en conventionnel.

Pour Pierre, le passage à un système d'élevage associé à un atelier de transformation/vente directe n'a pas été compliqué. En 2006, lors du démarrage de l'activité de transformation, la réduction des quantités de lait vendues à la coopérative n'a pas posé de problème. C'est moins le cas pour les exploitations qui souhaitent passer sur ce système aujourd'hui. En effet, la coopérative a récemment modernisé sa laiterie et les investissements qu'elle a engagé ne lui permettent pas de diminuer son approvisionnement en lait. A l'inverse, la coopérative est en recherche constante de lait. Aujourd'hui, la moindre flexibilité de la laiterie sur les volumes de laits collectés est un verrou pour les éleveurs qui souhaitent conserver du lait pour créer un atelier de transformation.


Les pratiques de l'élevage des vaches à la Ferme de la Grand'Mèche sont à peu de choses près en accord avec le cahier des charges bio, si bien qu'il serait facile d'obtenir ce label de qualité supplémentaire. C'est pourquoi Pierre souhaite réaliser une étude sur le passage de l'élevage en agriculture biologique, afin d'analyser l'intérêt économique et technique qu'ils auraient a y passer. Car produire du lait bio quand on vend soi-même un produit transformé à forte valeur ajoutée, cela peut s'avérer inutile. Pauline, qui reprendra à terme l'exploitation de son père, craint que le passage en bio comporte plus de contraintes que d'avantages dans leur situation.



De plus, à la ferme de la Grand'Mèche, le Bleu du Vercors est vendu 12€ le kilo, un fromage vendu ailleurs pour 16€ le kilo. Passer au bio, pourquoi pas, mais la ferme pourrait tout à fait augmenter son prix de vente, simplement en s'alignant sur le prix du marché local. Selon Marjolaine, vendre le fromage à ce prix là, c'est aussi intéressant et valorisant sur le plan humain : "La ferme accueille une clientèle variée. On accueille les propriétaires de résidences secondaires mais aussi des gens du coin, ou des gens un peu moins aisés, qui passent se promener durant leur week-end avec les enfants. C'est pas parce qu'on transforme et qu'on vend nos fromages à la ferme que l'on ne peut pas proposer des produits accessibles à tout le monde".


Pour conclure, nous tenons à remercier particulièrement Marjolaine et Pauline pour les 7 heures passées avec elles (et oui, rien que ça)!! La participation à la fabrication du bleu et des "Surprises" restera dans nos mémoires pour longtemps! Plus qu'une visite d'élevage ce fût une découverte et un vrai échange comme on aime en trouver quand on rencontre des personnes passionnées par ce qu'elles font. Encore merci à elles!



Le saviez-vous ?


- SURPRISE !

Le Bleu du Vercors est conditionné dans des grands moules afin d'obtenir un fromage fini d'environ 4 kilos. A l'issue de la mise en moule des Bleus, une petite quantité de fromage frais demeure dans la cuve, mais en quantité insuffisante pour produire un Bleu. Alors on ne gâche rien : à la Ferme de la Grand'Mèche, on s'est lancé dans la confection de petits fromages issus de la fabrication du Bleu, avec un mode d'affinage un peu différent. Ces petits fromages ont été proposés à la vente sous le nom de "Surprise", en guise d'essai. Les petits fromages ont trouvé leur fan-club au sein de la clientèle et sont devenus un incontournable de la Grand'Mèche ! Malgré tout, il garde son petit nom du début : la Surprise !


De gauche à droite: Photo 1. Pressage des Surprises; Photo 2. Marjolaine et Bastien pressent les fromages; Photo 3. Affinage des Surprises


146 vues0 commentaire

Posts récents

Voir tout
bottom of page