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Le terrain de jeu de l'oie

Dernière mise à jour : 3 oct. 2021

C'est sur la côte ouest de la Norvège, près de la ville d'Orkanger, entre fjords et montagnes, que nous a conduit notre deuxième étape en terres Norvégiennes. C'est ici, à flanc de colline, que se situe Hammerfjeld Gård, la ferme où Heidi et son mari élèvent un cheptel de 150 oies de deux races Scandinaves historiques : la Norsk Hvit Gås (oie blanche) et la Smaalensgås (un race plus ancienne, grise et blanche). Ils élèvent également des cailles et quelques taureaux d'engraissement.

De gauche à droite : Photo 1. Panneau à l'entrée de Hammerfield Gård. Photo 2. Vue sur le bâtiment et les pâtures des oies. Photo 3. Oie Smaalensgås. Photo 4. Oies Norsk Hvit Gås. Photo 5. Cailles. Photo 6. Jeunes cailles de l'élevage.


Ici, les oies pâturent (oui oui elles pâturent!) de début juin à novembre (avant que la neige ne s'installe sur les prairies). Elles sont élevées à l'abri en bâtiment à partir de janvier, lorsque la saison de reproduction démarre. En hiver, les oies reçoivent de l'enrubannage et des céréales. Certes, ces animaux n'hibernent pas à la manière des ours, mais elles ont la faculté de ralentir leur métabolisme en hiver, ce qui fait qu'elles consomment peu lorsqu'elles sont en bâtiment. Les oies préfèrent l'herbe jeune et courte. Les pâtures sont donc fauchées avant d'être ouvertes aux oies, afin de leur offrir une herbe courte et tendre. L'ouverture des parcs s'effectue progressivement, au fur et à mesure que les parcelles sont fauchées (l'herbe coupée servira à la production de l'enrubannage pour l'hiver). Au printemps, les oies bénéficieront d'abord d'un parc à l'entrée du bâtiment. Puis, à partir de juin, les oies s'ébattront sur 5 hectares de pâtures !


Photo. Heidi et les oies au pâturage


L'histoire de l'élevage est très liée à l'amour d'Heidi pour ces palmipèdes. Elle a débuté son élevage en 2015 avec 7 oisons récupérés chez un ami, qui possédait depuis 25 ans un troupeau d'oies dédié à la protection des deux races (Norsk Hvit Gås et Smaalensgås). Tombée sous le charme des oies et de leur caractère social, Heidi a repris le troupeau entier (60 oies) lorsque l'éleveur a stoppé son activité. Il y a très peu d'éleveurs d'oies en Norvège et particulièrement d'oies de races locales. D'ailleurs, l'éleveuse a bénéficié d'aides de la part de l'état Norvégien pour conserver ces 2 races en voie de disparition à l'issue de la seconde guerre mondiale. Pour Heidi, le meilleur moyen de sauvegarder ces races est de les valoriser sous forme de viande, ce à quoi elle s'attèle. Evidemment les 2 races ne se distinguent pas que par leurs couleurs, une autre différence importante concerne le poids des animaux : 7 à 9 kilos pour les blanches contre environ 5 à 6 kg pour les Smaalengås. Dans tous les cas, pas besoin de couper le bout des ailes, en effet étant trop lourdes ces oies ne volent pas, c'est plus simple pour les garder au pâturage!



Les oies vivent en petite "tribu" : 1 jar pour 3 oies, c'est le bon ratio pour satisfaire tout le monde. Il est d'ailleurs important de surveiller la formation des tribus afin que les 2 races restent pures. Hammerfjeld Gård est le seul élevage de ces deux races d'oies dans la région et l'un des quelques rares élevages Norvégiens. Alors, pour éviter la consanguinité, Heidi doit aller chercher du "sang neuf" loin de la ferme, dans l'Ouest du pays.

Chez l'oie la couvaison dure environ 30 jours et une oie peut couver à elle seule entre 12 et 20 oeufs en couvaison! A Hammerfjeld Gård, la ponte démarre à la mi-février (pour la St-Valentin!) jusqu'à la fin du mois de mai. La couvaison des oies est déléguée à un incubateur présent sur la ferme, qui assure la couvaison d'environ 30 à 40 œufs par oie. Les oisons reçoivent un aliment concentré pendant les premières semaines de vie, puis découvriront progressivement le pâturage. Les uns sont conduits dans un enclos muni d'un filet (contre la prédation par les corbeaux), les autres intègreront le troupeau au pâturage, en compagnie de mères adoptives. Heidi conserve des jeunes prometteurs, qui deviendront reproducteurs.


Photo. Œuf d'oie


Les abattages ont lieu en novembre, période à laquelle les oies sont les plus grasses. En moyenne les oisons pèsent 4-5 kg à cette période. Faute de structure existante dans la région pour abattre les palmipèdes, ici, on se débrouille autrement. Cette année, Heidi et son mari sont en pleine construction d'un abattoir à la ferme, qui devrait être opérationnel pour cette automne. Ils prévoient d'y abattre environ 70 animaux. Comme en France, l'abattage à la ferme impose de répondre à nombre de règles et normes : analyses biologiques, règles sanitaires, sécurité de l'éleveur et des animaux, traçabilité... Heidi s'est formée pour obtenir l'autorisation d'abattre ses propres animaux à la ferme. La structure ne sera pas ouverte aux animaux extérieurs à la ferme, car la réglementation serait alors plus stricte. La construction de cet abattoir est assez exceptionnel. C'est un gros investissement, mais les éleveurs espèrent rentabiliser l'outil d'ici 3-4 ans. Pour Heidi, c'est une aubaine de pouvoir abattre à la ferme, pour limiter le stress des animaux lié au transport ou au changement d'environnement. Elle apprécie travailler ses produits et tester de nouvelles choses. Il faut reconnaître qu'en oie, la Norvège a tout à inventer ! Cette année Heidi a fabriqué un "jambon séché" d'oie : en tant que beta-testeurs, on a validé à 100%! ;)


Pendant le pâturage, les oies doivent tout de même éviter les attaques des renards, très présents sur ce territoire. En début d'automne, les attaques sont fréquentes, quand les mères apprennent aux jeunes renardeaux de l'année à chasser. Le danger se trouve aussi parfois dans les airs, car les aigles sont très présents dans la région. Même si leurs attaques sont plus rares que celles des renards, un aigle peut facilement emporter un jeune oison. Dans tous les cas, l'éleveuse rentre ses animaux en bâtiment tous les soirs. Une manière d'assurer leur protection vis-à-vis des prédateurs, mais aussi de maintenir un lien et une proximité avec elles, en les nourrissant. Les races d'oies élevées par Heidi sont très rustiques, elles sont donc très rarement malades. Le seul risque sanitaire sérieux pour Heidi est le même que pour tous les éleveurs de volaille : la grippe aviaire. Cette année, la grippe aviaire a contraint l'éleveuse à garder ses animaux en bâtiment plus longtemps que prévu.



Heidi et son mari font partie d'un groupement de producteurs autour d'Orkanger. Ensemble, ils commercialisent leurs produits "à la ferme". Plus précisément, trois producteurs du groupement possèdent un magasin à la ferme et vendent les produits du groupement. Les produits d'Heidi et de son mari (viande d'oie, oeufs et viande de caille, miel) sont donc vendus directement au consommateur, par le biais des magasins à la ferme du groupement de producteurs. A l'avenir, Heidi aimerait également développer la vente auprès des restaurants du secteur. L'originalité de leur élevage trouve une clientèle de plus en plus importante et la demande ne tarit pas depuis le début de l'élevage. Il y a même des gens qui s'arrêtent à la ferme après avoir vu les oies pâturer en bord de route pour demander s'il n'y a pas de la viande à vendre. Selon Heidi, la consommation locale n'est pas très développée en Norvège mais elle intéresse de plus en plus les gens, la tendance est donc positive !


L'instant Norvégien


- Amoureuse d'oies et de bon vin

Ici, comme ailleurs dans le pays, l'élevage est rarement la seule activité. Heidi est également rédactrice dans le domaine du vin (ce qui lui a valu de nombreux voyages à travers le monde, en particulier en France !). Pour vivre de son élevage d'oies, il faudrait que le couple augmente grandement le nombre d'animaux et donc la surface de bâtiments mais ça ne fait pas partie de leur philosophie. En Norvège, depuis plusieurs années, l'état incite les élevages a grossir mais, compte tenu du profil du territoire, les terres arables (et même pâturables) ne sont souvent pas disponibles à proximité de la ferme. Ainsi, ceux qui grossissent sont contraints de faire plus de kilomètres pour entretenir toutes leurs surfaces, plus de temps de route, plus de carburant consommés et au final pas plus d'intérêt. Les paroles d'Heidi font écho à ce dont on vous parlait dans un précédent article (Entre montagnes et vallées): "La politique Norvégienne tente d'appliquer le modèle d'élevage conventionnel Européen dans ce pays, à croire qu'ils n'en connaissent pas le territoire !"


- Taste of Orkland

Hammefjeld Gård est membre du groupement de producteurs "Smaker fra Orkland" (Saveurs d'Orkland). Pour plus de détail à propos d'eux (en Norvégien!): www.smakerfraorkland.no

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