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Photo du rédacteurMauricette Dupont

Bleue est la vache lettone

L’hiver approche. Au début du mois de novembre, un soleil blanc et rasant éclaire les prairies Lettones. Nous nous rendons à Vaidava, pour y rencontrer Elizabete et Maris sur leur petite exploitation qu’ils ont acheté il y a quelques années. Il est dix heures et nos ombres s’étirent au sol, tout comme celles des moutons, des veaux et des poules d’Elizabete. C’est elle qui dirige principalement l’élevage familial, tandis que Maris travaille en mer et s’absente deux mois sur quatre. Ici, on trouve un petit peu de tout ! Une centaine de brebis Friesian et Suffolk, des poules et poulets, des oies, des abeilles, des veaux à l’engraissement de races diverses… Mais l’activité principale d’Elizabete, ce sont ses trente brebis laitières, qu’elle trait une fois par jour. Avec leur lait, elle confectionne des glaces artisanales, du yaourt et du fromage, qu’elle vend sur les marchés trois fois par semaine. Ses bons produits approvisionnent également un restaurant dans la ville voisine. En somme, Elizabete possède une petite ferme avec une production et un mode de vente plutôt atypiques pour la Lettonie, où les grandes fermes laitières occupent environ 50% de la surface agricole du pays.


Photos de gauche à droite. 1. 2. Ferme d'Elizabete et Maris. 3. Brebis Suffolk et Friesian. 4. Veaux au pâturage


Chez Elizabete et Maris, on aperçoit une vache et quelques veaux d’une couleur bien particulière : la couleur bleue. Qui est-ce ? Son petit nom est « Latvijas Zila » en Letton, ou « Bleue Lettone » pour nous Français. Elle est tout un symbole pour le pays et une fierté nationale pour ceux qui l’élèvent, car c’est la plus ancienne vache Lettone. Elle se fait rare dans les praires du pays, si bien qu’une association d’éleveurs passionnés s’est construite pour la sauver de l’extinction. On l’appelle Bleue pour son pelage caractéristique gris bleuté, qui recouvre sa peau sombre. Elle possède deux cornes en demi-lune blanches aux pointes noires. Une petite vache originale. On comprend que les éleveurs Lettons l’adorent ! Elle possède des aptitudes laitières et bouchères, mais sa qualité première reste son lait riche en matière grasse.


Photo. Vache Bleue Lettone d'Elizabete et Maris

Elizabete et Maris ont rejoint depuis peu les éleveurs de Bleue Lettone. Il y a un an, ils ont acheté une première vache et au fur et à mesure, ils souhaitent construire un petit troupeau d’une dizaine de têtes. Avec le lait des Bleues Lettones, Elizabete souhaite élargir sa gamme de produits. Aujourd’hui, une vache et trois veaux Bleus sont présents sur la ferme. Elizabete et Maris nous expliquent que tous les individus ne sont pas pure race Bleue. Certains individus n’ont que 50% de sang Bleu. En effet, la race Bleue Lettone est une race à faible effectif. Environ 200 individus paissent aujourd’hui dans les pâtures Lettones, si bien que la race subit un taux de consanguinité croissant. Pour préserver la santé et la pérennité de la race, le programme de conservation mené par l’association d’éleveurs intègre des reproducteurs de race Brune Lettone (une race descendante de la Bleue) pour réduire la consanguinité.


Photo. Veau Bleu Letton

Dans les prairies d’Elizabete et Maris, les troupeaux sont gardés par des chiens. D’un côté, deux bergers des Pyrénées protègent les veaux. De l’autre, un beau et imposant berger d’Asie Centrale protège les brebis. Car autour des prairies, rodent deux prédateurs : le loup et le lynx. Dans la nuit, Elizabete et Maris ont déjà vu les yeux brillants du loup, mais n’ont à ce jour aucune mort par prédation à déplorer. Les chiens font bien leur travail. Malgré la prédation, à la ferme, les bovins et ovins pâturent toute l’année. En hiver, les animaux reçoivent du foin, de l’enrubannage et des céréales. Elizabete et Maris achètent les céréales et le foin, faute de surface suffisante pour produire eux même. Les brebis ne rentrent que deux mois dans l’année, pour les agnelages à partir de janvier. Un mode d’élevage qui ne fait pas l’unanimité en Lettonie. « Pour certains, c’est plus simple d’élever tout le monde en bâtiment toute l’année. C’est sûr, il n’y a plus de prédation et ça demande moins de travail ! » sourit Maris. La prédation par le loup est la plus importante et aussi, selon Maris, en constante augmentation. Il pointe du doigt les parcelles déforestées à quelques centaines de mètres de là. « C’est parce que l’on coupe les forêts que les prédateurs s’approchent de nos troupeaux. Ils y trouvent de moins en moins de nourriture » explique Maris.


Photos 1 et 2. Chez Elizabete et Maris, deux bergers des Pyrennées gardent les veaux au pâturage.

L’activité forestière est l’une des activités principales en Lettonie, qui plus est, pourvoyeuse d’emplois. Non loin de Vaidava, Normund peut en attester : avant de construire sa ferme, il a travaillé de nombreuses années pour une compagnie forestière. Dans les années 90, il hérite d’une ancienne demeure dans le village de Drusti. Construite aux alentours de 1687 sous domination Suédoise, la bâtisse fût la première école du village. Normund et sa femme Valda ont réhabilité l’ancienne école en habitation et aménagé une étable pour les vaches. Ensemble, ils élèvent un troupeau de 50 vaches laitières sur quelques 120 hectares d’herbages. Ici aussi, on fait preuve de diversité avec un troupeau composé de Bleues et Brunes Lettones, de Normandes, d’Holstein pie noires et de Red Holstein. On élève aussi un petit troupeau de chèvres locales, des oies, des poules et des abeilles. Nous les avons rencontrés sous la pluie Lettone, alors que nos pieds marchaient dans une pâture molle comme une éponge… Elle est finie la période des paysages bucoliques et ensoleillés !


Photos de gauche à droite. 1. Etable traditionnelle de Valda et Normund. 2. Dans l'étable, on trouve quelques chèvres Lettones. 3. Veau Bleu Letton

« C’est le plus grand troupeau de vaches Bleues que vous verrez dans le pays ! » s’exclame Normund en nous présentant ses vaches. Car aussi belle, locale et originale soit-elle, la Bleue Lettone produit en moyenne 5000 Litres de lait par an, bien moins que les races à haut niveau de production qui avoisinent les 11000 Litres ! On ne la retrouve donc que dans les exploitations à petite échelle, comme chez Elizabete et Maris ou chez Normund et Valda, où l’élevage n’est pas la seule source de revenu du foyer. Pourtant, la Bleue Lettone a quelques qualités qui méritent qu’on s’y intéresse : « C’est une vache facile à élever. Elle n’est jamais malade et elle sait se débrouiller par elle-même pour trouver à manger dans les pâtures pauvres d’ici. Il y a quelques siècles encore ici les terres étaient recouvertes de forêt. Les caractéristiques du sol ne permettent pas d'y faire pousser autre chose que de l'herbe » expliquent Normund et Valda.


Photos de gauche à droite. 1. Troupeau de Valda et Normund. 2. Bleue Lettone. 3. Brune Lettone Le saviez-vous ? - La vache qui venait de la mer L’origine exacte de la vache bleue n’est pas connue précisément. Un lien avec les mouvements de populations d’origine Indo-Européenne en Lettonie ? Ou un lien avec des vaches au pelage gris-bleuté de Scandinavie ? Personne ne sait vraiment. Une légende raconte : « Un jour, une fille est sortie de la mer pour faire pâturer ses vaches dans les pâtures avoisinantes. Le propriétaire l’attrapa et confisqua ses vaches. La jeune fille repartit dans la mer en pleurant, mais sept vaches bleues restèrent ici. Les vaches bleues d’aujourd’hui descendent toutes d’elles. » Peut-être que cette histoire de la vache bleue est la plus jolie de toutes.


Photo. Vache bleue rencontrée au détour d'une ruelle dans Riga (la capitale)

- Fromage festif On a parlé un peu de spécialités fromagères avec Elizabete, Maris, Normund et Valda. « La Lettonie n’est pas reconnue pour ses nombreux fromages, comme la France » nous a dit Normund. Il est bien vrai qu’ici, il n’existe pas une grande activité de transformation fromagère. « En Lettonie on produit du lait, on le vend aux Lithuaniens qui en font du fromage et on leur achète leur fromage ! » rit-il. Quand bien même, en Lettonie, on fabrique un fromage bien particulier à l’été. Elizabete et Maris, Normund et Valda, ne font pas exception et fabriquent pour leur consommation personnelle ce fameux fromage : le Jāņu siers. Quand ils en parlent, c’est avec un grand sourire ! Le Jāņu siers est consommé au moment du Jāņi, une fête Lettone célébrée au solstice d’été, les 23 et 24 Juin. Il est conçu à partir du caillé du lait cuit auquel est ajouté un mélange d’œuf, de beurre, de sel et de graines de cumin. C’est un fromage de fête, toujours accompagné d’une bonne dose d’alcool !

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